samedi 9 février 2013

Vivre dans l'ignorance

Comme beaucoup de Québécois, le dimanche soir, je le passe devant ma télé et je regarde Tout le monde en parle. Le 27 janvier dernier, c'était le retour de l'émission après le congé des Fêtes, je me serais franchement passée de l'entrevue de «la femme de l'autre», mais j'aurais vraiment aimé l'intervention du député néo-démocrate Roméo Saganash et de Michèle Audette, de l'Association des femmes autochtones, sur le mouvement Idle No More.

Comme un peu tout le monde, je lis les journaux, mais pas en profondeur, je l'avoue. Donc, je savais que Theresa Spence faisait une grève de la faim pour inciter le premier ministre Harper à rencontrer les nations autochtones pour discuter des problèmes qui sévissent au sein de leurs communautés. Je n'ai pas nécessairement pris la peine de m'informer plus sur leurs conditions, continuant mon survol de l'actualité. J'ai aussi trouvé très insultant que M. Harper prenne la peine de rencontrer les gagnants d'OD, alors que des choses beaucoup plus sérieuses se passent dans notre pays.

Puis, la semaine dernière je suis tombée tout à fait par hasard sur la série documentaire 8e Feu sur Tou.tv. C'est l'image de couverture dans la section Films et documentaires du site qui a attiré mon attention.
Photo: Tou.tv
Cette autochtone en costume traditionnel en zone urbaine affublé de sa valise zébrée détonne. Cette photo est issue de la série de portraits photographiques Concrete Indian de la photographe anishinaabe Nadya Kwandibens. Elle a su piquer ma curiosité et après le passage M. Saganash et de Mme Audette à LMEP, je me suis dit que cette série pourrait sûrement m'en apprendre sur la condition des autochtones au Canada.

La série est composée de quatre épisodes d'une heure et chaque épisode traite d'un thème: Les autochtones en ville, Les autochtones et le Canada, À qui le territoire et À la croisée des chemins. Ce que j'aime de ces documentaires, c'est qu'ils sont éducatifs sans être accusateurs ni moralisateurs. Ils permettent vraiment de comprendre efficacement la situation actuelle des autochtones, mais aussi les détails historiques qui les ont menés là.

À l'école, j'étais férue d'histoire, première de classe peu importe le sujet: histoire et civilisations, histoire du Québec et du Canada et histoire du XXe siècle. Quelle est la place des autochtones dans ces cours, très minime. On parle de l'arrivée de ces peuples au Canada il y a plusieurs dizaine de milliers d'année en passant par le détroit de Beiring qui était gelé à l'époque, on parle du contact des autochtones avec les blancs à l'arrivée de Jacques Cartier et comment les diverses tribus vivaient au XVIe siècle, comment construire un wigwam. En secondaire 2, une prof d'anglais nous avait demandé de faire une recherche sur les autochtones dans le monde, encore là on parlait surtout de la vie des ancêtres de ces peuples. Nous n'avions aucune conscience de la situation réelle et de l'histoire contemporaine de ces peuples.

Dans le cours d'histoire du Québec et du Canada, on nous parle beaucoup du rapport Durham, comment les Anglais ont essayé d'assimiler les Canadiens-Français au XIXe siècle. Est-ce qu'on nous parle de la Loi sur les Indiens et les pensionnats? Non. Les Canadiens-Français étaient plus fort que les Anglais en nombre et la venue de plus en plus d'Irlandais au pays compromettait certaines recommandations du rapport, notamment sur la religion catholique. L'assimilation a été évitée. Le rapport de force pour les autochtones n'était pas en leur faveur, le gouvernement a eu le gros bout du bâton. En toute légalité, le gouvernement a arraché plus de 150 000 enfants à leur famille pour les mettre en pensionnats, loin de leur famille, parfois même pas dans la même province. Le but de ces pensionnats était de tuer l'Indien en eux et d'en faire des Canadiens en bonne et due forme. Certains enfants étaient aussi mis en adoption dans des familles blanches, loin de leurs racines, de leur langue et de leur culture.

Dans les cours d'histoire au secondaire, on nous parle de la Deuxième Guerre mondiale en long et en large, mais on omet de nous dire qu'une situation similaire s'est produite chez nous, et ce, sur une période de plus de 100 ans. Le dernier pensionnat autochtone a fermé ses portes il y a moins de ça moins de 20 ans, c'était en 1996, la même année où j'ai fait mon entrée au secondaire. Si j'avais été autochtone en Saskatchewan, au lieu de Québécoise pure laine, qui sait, j'aurais pu finir dans un de ses pensionnats.

Le gouvernement du Canada a présenté des excuses officielles en 2008 pour les sévices dont les enfants ont été victimes dans ces pensionnats qui étaient gérés par le clergé (ah le clergé, autre sujet lié à des histoires d'horreur que je n'aborderai pas ici). N'empêche que la grande majorité des Canadiens ignore cette sombre tranche de l'histoire de notre pays. Je crois, et j'espère qu'on puisse modifier les programmes d'histoire qui sont enseignés à nos enfants. Franchement, j'ai honte. Honte de mon pays, honte qu'on cache cette tranche d'histoire aux citoyens, honte de ne pas en savoir plus la véritable condition des gens dans mon pays, honte de voir que le tiers monde peut exister au Canada.

La série documentaire 8e Feu a été présenté à Radio-Canada il y a un an, si vous ne l'avez pas vu je vous la recommande fortement si vous voulez en apprendre plus sur l'histoire contemporaine des autochtones, la situation actuelle des peuples autochtones et simplement pour mettre fin à une vision négative des autochtones, à des préjugés bien ancrés au sein de la population canadienne et arrêter de vivre dans l'ignorance. Elle est disponible sur Tou.tv et sa version anglaise 8th Fire sur le site de CBC.

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